Je déteste parler de mon passé. Je déteste parler de moi. Même à Aro. Et il le sait. Alors il n’aborde pas le sujet avec moi et je lui en suis reconnaissante. Parler de mon humanité me fait énormément mal, aujourd’hui encore, bien des années après. Et pourtant, j’ai besoin de me libérer de ce poids sur mon cœur qui a pourtant cessé de battre mais qui me fait toujours autant souffrir. Un cœur qui n’a plus de pouls peut-il encore se briser ? C’est une question que je me pose souvent.

Je suis née en Italie, à Rome en plein mois de juillet dans l’année 1800. Comme cela était l’habitude à l’époque dans les familles nobles - car en effet, j’étais de haute lignée - on me baptisa par les noms de mes deux grands-mères que je porte toujours aujourd’hui avec une certaine fierté. Il faut dire qu’ils sont tous les deux à la fois rares et remplis d’une certaine symbolique à laquelle je ne peux être que sensible. Enfin, passons les détails, je me doute que cela ne doit point être intéressant pour vous. J’ai toujours été considérée comme une enfant fragile, une petite princesse à protéger et à couver bien que je n’en voyais pas vraiment la raison. Du balcon de ma chambre située dans les hauteurs de la demeure familial, je regardais bien souvent les enfants des personnes pauvres jouant dans la rue et je me demandais qui de nous était le plus à plaindre. Eux qui risquaient tous les jours de mourir de faim ou même d’une quelconque épidémie mais qui étaient libres ou bien moi, qui du haut de ma tour d’ivoire ne craignait absolument rien mais était condamnée à vivre emprisonnée dans des convenances et des manières préconçues ? Qu’importe, aujourd’hui la question ne se pose plus. Mon éducation n’a pas été laissée au hasard, comme vous pouvez vous en douter, et j’ai rapidement été amenée à étudier à la fois les sciences de l’époque mais aussi la littérature, la philosophie et l’art sous toutes ces formes. J’ai d’ailleurs toujours apprécié le violon même si je considère que les notes que j’en tire aujourd’hui sont assez superficielles et dénuées d’émotions, produit d’une créature au sang froid et à la beauté fictive aussi bien au niveau de l’apparence que de ce qu’elle cache à l’intérieur d’elle-même. Bref, pour en revenir au récit de ma vie, le début de celle-ci ne fut guère passionnant. Tous les jours la même chose, les mêmes travaux, les mêmes visages, les mêmes rengaines. Jusqu’à l’année de mes quinze ans. Il fut décidé que je serai renvoyée auprès de mon père en Angleterre dans le but d’être promise à un homme comme cela était la tradition à l’époque et malgré la répulsion que cela pouvait bien m’apporter, je finis par accepter de m’y rendre. J’ai toujours été prompte à me soumettre à mon père, il en va de même avec Aro aujourd’hui qui remplit à la perfection ce rôle. Sans être une créature faible, je n’ai pas ce désir qu’on certains à se rebeller face à ceux qui leur sont supérieurs dans la hiérarchie. J’ai toujours accepté avec plus ou moins de facilité la place qui était la mienne et les commandements que l’on pouvait m‘imposer. Enfin, jusqu’à cette rencontre qui a été déterminante dans la suite de mon existence. Et qui m’a conduite tout droit à celle que je suis aujourd’hui. Nous étions dans cette voiture - à chevaux bien sur - qui devait nous amener dans cette immense bâtisse qui était la note, en retrait de Londres, quand nous fumes attaqués par une bande de bandits. Aidée - ou plutôt poussée - par mes domestiques, je fus contrainte de prendre la fuite pour sauver ma vie. Inutile de vous dire que je n’ai guère aimé cela. Je ne suis pas une lâche qui abandonne ses camarades derrière. Je reste me battre à leurs cotés jusqu’à la fin. Mais je n’étais alors qu’une gamine et influencée par les cris et les supplications, j’ai finalement - et comme toujours - fini par faire ce que l’on m’ordonnait. Courant dans les bois, je les entendais me poursuivre et pourtant je ne me retournais pas. Trop de gens s’étaient sacrifiés pour que je fasse l’erreur de me laisser attraper. Et pourtant mon pied se prit dans une racine et je trébuchai sur le sol, en roulant sur moi-même, m’emmêlant même dans ma propre robe. J’étais piégée. Ils étaient là devant moi, prêts à me sauter à la gorge. C’était la fin. Ou plutôt le début. Vif. Rapide. Presqu’invisible à l’œil nu, il arriva de nulle part et en un temps record, il mit en fuite mes opposants avant de me soulever comme si je ne pesais guère plus qu’une plume. Sa peau était froide comme la neige. J’en frissonnais. Aujourd’hui encore je n’ai pas oublié cette sensation. Ni le début de ma première et dernière histoire d’amour. J’ai tout de suite compris qu’Ambre n’était pas un homme comme les autres. Qu’il était différent. Je le voyais souvent en cachette, la nuit ou les jours où le soleil ne pointait pas dans le ciel, et si je ne m’en rendais pas compte à l’époque, aujourd’hui je comprends mieux pourquoi. Il m’a fallu près d’un an pour que je perce à jour son secret, pour que je sache ce qu’il était en réalité. J’aurais du avoir peur, j’aurais du m’enfuir mais non. Je l’aimais. Trop. D’une manière inconsidérée. Irrationnelle. Mortelle. Il était mon secret, celui dont je ne voulais plus jamais être séparée et ce, de plus en plus à mesure que le jour de mon union avec mon fiancé approchait. Affolée à la perspective de ce mariage auquel je n’arrivais pas à me résoudre. Alors je pris la décision la plus stupide de ma vie. Ou la plus intelligente, à vous de voir. Je décidais de partir avec lui. Peut-être que cela vous semble simple, une fuite amoureuse c’est courant au vingt-et-unième siècle mais pas dans les années mille huit cent. C’était le déshonneur assuré. Et puis, malgré tout, j’aimais profondément ma famille. Mais Ambre plus encore. Pendant quelques mois, loin de tout le monde, nous fumes heureux. Véritablement. Puis vint le temps de cette étrange, insoupçonnée grossesse. Les vampires pouvaient-ils seulement enfanter ? Il semblerait. Mais cela était loin de ressembler à l’idée que j’aurais pu me faire d’une grossesse et l’ambiance était pour le moins mitigée. Si d’un coté nous étions heureux d’avoir un enfant, d’un autre coté, les problèmes semblaient se multipliaient. A commencer par le comportement d’Ambre qui était de plus en plus étrange. S’il semblait me porter le même amour qu’autrefois, il se montrait plus agressif et ne cessait de vouloir me cacher au monde entier, comme s’il avait peur que quelqu’un ne découvre mon état, qui n’était pas discret je veux bien l’admettre. Que ce soit au niveau des crises que je connaissais du fait de la douleur que le bébé me procurait ou même de mon corps complètement déformé, je n’avais presque plus rien d’humain. Mais ce fut au moment de l’accouchement que je ne le fus plus du tout. Enfanter un demi-vampire est une chose qui vous tue. A moins que l’on ne vienne vous sauver. Et c’Est-ce qu’Ambre fit en me transformant. Ce fut horrible et je crus bien un moment que j’en deviendrais complètement folle. La transformation fut difficile mais la suite encore plus. J’avais soif. Soif de sang. Et entre la petite et moi, il était plus que submergé. Au départ, il me laissa mordre des humains tout en prenant toujours le temps de m’arrêter avant que je ne les tue, me sevrant petit à petit pour que je passe au sang animal et pendant un moment, ce fut un succès. Cependant, ce qui semblait être les promesses d’un bonheur à venir vira au cauchemar. A cette époque, nous formions une sorte de petite famille avec quelques autres vampires comme nous, et un jour - alors que j’étais partie chasser seule, je ne retrouvais d’eux que leurs cendres et Ambre au milieu de ces derniers. Je me rapprochais de lui pour demander ce qui c’était passé, mais il me repoussait avec un rictus froid sur les lèvres. Je ne crus pas ses mots au départ. Il n’avait pas pu faire ca. C’était impossible. Pas lui. J’étais dans un état second, je demandais où pouvait bien se trouver ma fille et j’eu beau chercher dans toute la demeure que je ne la trouvais pas. Il m’avoua l’avoir tuée sans le moindre remord. Et aujourd’hui - ignorant que cela n’était qu’un mensonge destiné à me protéger ainsi que notre enfant, je le crois toujours. Je n’eu même pas la force de me battre à l’époque alors qu’il m’abandonnait là à mon triste sort. Pendant des jours, je restais inerte sur le sol, sans boire la moindre goutte de sang. Jusqu’à ce qu’il apparaisse entouré de sa garde toute vêtue de rouge. Aro. Mon sauveur. Mon père. Ce fut lui qui me ramena à la vie, prenant personnellement soin de moi puis me confiant aux soins de celui qui allait devenir mon frère de cœur, Leone. Je n’ai jamais su que c’était d’eux justement qu’Ambre aurait voulu que je me tienne éloignée, qu’ils étaient venu car ils avaient eu vent de notre famille, que c’était des gardes de cette famille royale qui les avaient tué à l’exception de ma très chère Lysandre qui était avec lui au moment des faits. Aujourd’hui, je sers sans même le savoir ce que je devrais haïr. Et j’aime comme si j’étais sa fille celui que je devrais considérer comme mon pire ennemi.

Renata Morgana Volturi, garde de la famille du même nom, connue pour son caractère doux et tendre, vampire qu’il ne faut pas sous-estimer. Mon histoire s’arrêta-t-elle là ?
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