Ma vie d'humaine

Sulpicia avait étonnamment un parfait souvenir de sa vie humaine. Le choc de la transformation n’avait pas placé ses souvenirs dans une brume lointaine, l’empêchant de se remémorer ce qui avait été sa vie. Au contraire, même environ mille ans après elle se rappelait de sa vie avec une parfaite clarté. Peut-être était-ce parce qu’elle avait voulu devenir ce qu’elle était aujourd’hui, ainsi elle avait été préparée à son changement. Elle s’en souvenait comme si tout ce qu’elle avait vécu s’était produit quelques années auparavant et non près d’un millénaire plus tôt.

Elle se souvenait de Rome ; sa grandeur, sa magnificence. Elle avait toujours un pincement au coeur en songeant à sa vie de riche citoyenne romaine. Elle se revoyait arpentant sa ville bien-aimé, que ce soit pour aller aux fêtes dans de riches villa, au marché ou prier aux temples…Elle avait aimé sa vie, mais l’avait quitté sans regret. Elle se souvenait de son père.
Sulpicia était la fille d’un influent sénateur, elle se souvenait de sa tendresse avec elle, de l’amour qu’il lui avait prodigué pour palier à l’absence de sa mère morte en couche. Il avait toujours pris soin d’elle, lui donnant une bonne éduction et la couvrant de cadeau. Il n’était certes pas un homme parfait, comme elle l’avait appris en grandissant, mais il avait été un père merveilleux. Il avait été tolérant et ouvert, respectant sa volonté de se marier par amour et non pour un quelconque arrangement politique. Elle était la petite fille chérie, son unique fille. Ainsi, s’il attendait beaucoup de son fils, elle avait par contre une vie sereine loin des intrigues politiques qui faisaient couler le sang derrière l’apparente civilité. A Rome, il fallait savoir surveiller ses arrières, car le pouvoir faisait des envieux.
Elle avait plus d’une fois du ruser pour éviter l’intérêt de prétendants peu scrupuleux, certains ne voyant que la position influente de son père et certains ne voyant qu’une jolie jeune femme pouvant leur servir de potiche. Elle savait que c’était naïf de sa part, mais elle attendait quelqu’un qui l’aimerait vraiment et avec qui elle ne regretterait jamais d’être.

Elle aimait se remémorer sa rencontre avec Aro. Elle savait que les humains ayant une sorte de sixième sens avaient peur d’eux et les fuyaient, mais dès qu’elle l’avait vu elle n’avait eu de cesse de vouloir se rapprocher de lui. Elle avait été subjugué par la douceur mêlait à l’aura de danger qui l’entourait. Elle avait presque cru suffoquer quand il avait posé sur elle ses yeux carmins. Elle avait été à la fois charmée et horrifiée, sentant qu’il était plus que tout ce qu’elle pouvait imaginer. Et malgré, la peur qui s’était infiltrée en elle, sa curiosité avait été plus forte. Elle avait passé plusieurs soirées avec lui, et elle avait vite compris qu’il n’était pas ordinaire. D’ailleurs, sa gouvernante l’avait un soir surpris après qu’il soit entré dans sa chambre. Elle avait failli alerter tout le monde par ses cris, mais Sulpicia avait été assez rapide pour l’empêcher de cirer. Il lui avait fallu beaucoup de temps pour la convaincre que tout allait bien et encore le double pour qu’elle les laisse seuls.
Elle sourit en se rappelant une conversation qu’elles avaient eue peu après.

- Il n’est pas normal !

Sulpicia jeta un coup d’oeil désintéressée à sa domestique qui la coiffait. Elle savait parfaitement de qui elle parlait et elle n’avait pas envie de répondre sous peine de s’énerver à nouveau.

- Il y a quelque chez cet homme…d’étrange ! Si votre père savait, il n’approuverait pas…

Elle leva les yeux au ciel alors que sa gouvernante priait les Dieux de la protéger. Se retournant, elle attrapa les mains d’Hermia et la fixa avec sérieux.

- Herm’ ce que tu veux c’est mon bonheur n’est-ce pas ?

- Bien sûr, que c’est ce que je veux…

Elle sourit avec douceur en voyant l’indignation d’Hermia à l’idée que sa maitresse puisse penser qu’elle ne voulait pas son bonheur plus que tout.

- Alors tu ne dois rien dire à mon père, je te promets qu’IL ne me fera aucun mal.

- Mais, cet homme, il…

- Herm, je l’aime…Alors s’il te plaît, ne dis rien.

Sulpicia prit son visage le plus attendrissant en fixant celle qui l’avait élevée, et elle vit vite que sa gouvernante abandonnée la bataille.

- Bien, je ne dirais rien, mais si jamais il vous fait du mal je le tuerais moi-même.

Sulpicia laissa échapper un rire à cette idée. Elle voyait mal sa nounou pouvoir faire face à quelqu’un de la carrure d’Aro. Cela aurait l’équivalent d’un combat dans les célèbres arènes de Rome, un combat perdu d’avance.
Pauvre Hermia, elle ne savait pas à qui elle avait à faire. Pour sa part, Sulpicia avait fini par le découvrir. Il le lui avait avoué au bout de plusieurs rencontres. Elle avait fini par s’interroger sur la raison de la distance qu’il lui imposait. Sa réaction avait cependant été mitigée, elle avait été bien trop surprise par ses révélations.

- Je suis un vampire.

Alors qu’il tenait ses mains, Sulpicia l’avait dévisageait avec perplexité. Un vampire ? Ce mot lui disait quelque chose, il lui avait semblé en avoir entendu parler dans des histoires étranges. Elle plongea son regard dans celui carmin comme…le sang d’Aro, frissonnant sous la froideur mortelle de ses mains. Elle se dégagea de sa prise et recula d’un pas, ne sachant quelle attitude tenir. Elle regarda son visage peiné et se rapprocha.

- Je ne te ferais aucun mal. Si j’ai dû perdre mon sang froid ce serait déjà fait.

Elle grimaça, se demandant si elle devait vraiment être rassurée par cette confession où partir en courant. Elle le détailla et se demanda à quel point les légendes qu’elle avait entendues étaient vraies.

- J’aimerais que tu viennes avec moi.

Sulpicia déglutit avec difficultés alors qu’elle saisissait l’implication derrière ses paroles. Si elle refusait, elle devinait qu’elle ne le reverrait jamais, et elle devinait aussi que si elle acceptait il faudrait alors qu’elle devienne à son tour vampire. Elle fixa son visage et y trouva quelque chose qui la satisfit car elle prit à son tour ses mains dans les siennes.

- D’accord !

Elle sourit face à l’éclat de surprise qu’elle vit dans ses yeux. Avant qu’il ne reprenne la parole avec sérieux.

- Réfléchis bien, après ça tu devras laisser ta famille et tes amis, tu changeras un peu physiquement et surtout tu boiras du sang humain…

Elle savait que ce serait un petit peu difficile au début, mais elle était sûre d’elle. Elle posa ses lèvres sur les siennes avant de pencher la tête et de lui tendre son cou. Elle savait que ce serait plus clair que des mots et qu’il ne pourrait ainsi plus douter. De plus, elle lui montrait aussi sa confiance. Elle se souvint d’avoir senti ses lèvres sur son cou puis une sensation de piqûre, le reste s’était passé dans une sorte de brouillard. Tout ce dont elle se souvennait, c'était la transformation. Elle aurait du mal, même après autant de temps à oublier la douleur qui l’avait alors transpercée. Il suffit d’imaginer un bûcher, sauf que le feu l’avait dévorée de l’intérieur. Chaque fibre de son être avait semblé prendre feu, et elle se souvenait d’avoir prié pour être délivré de la douleur. Elle avait cru mourir sous la souffrance qui l’avait assailli, mais cela n’avait été que le passage obligé vers sa nouvelle vie.

A son réveil, elle avait tout de suite remarqué que ses cinq sens semblaient voir leur acuité accrue. Dès qu’elle avait ouvert les yeux, elle avait observé tout ce qui l’entourait avec une incroyable avidité. Puis, les différentes fragrances l’avaient frappée avant qu’elle ne réalise qu’Aro était près d’elle. Elle avait contemplé son visage, stupéfaite de le trouver encore plus beau. Il lui semblait voir vraiment le monde pour la première fois. Elle prit une respiration tremblante alors qu’elle comprenait enfin ce qu’il lui avait dit en parlant de la torture que c’était pour lui de respirer son parfum.
Elle s’était levée, étudiant l’endroit où elle se trouvait. Elle essayait de rassembler ses esprits pour laisser de côté cette sensation d’étrangeté qu’elle vivait. Elle reporta alors son attention sur Aro, se dirigeant vers lui. Elle sourit alors qu’elle levait la main vers son visage. Son sourire s’agrandit en voyant que désormais la pâleur de sa peau s’accordait à la sienne. Elle fut aussi surprise de constater que sa peau ne lui apparaissait plus glacée et dure, mais douce et tiède. Continuant sa découverte, elle l’enlaça et l’embrassa. Elle sourit en le sentant se détendre et répondre à son baiser. Elle ne put retenir une plainte alors qu’il se détachait d’elle.

- J’aimerais te présenter mes frères !

Elle se figea, inquiète de leurs réactions.

- Et s’ils ne m’aiment pas ?

Il la dévisagea une seconde avant de changer d’attitude. Elle se sentit profondément vexée en voyant Aro rire de son inquiétude, alors que celui-ci semblait au prise d’une crise de four rire incontrôlable. Cependant, il avait fini par la rassurer et la rencontre s’était bien passée. Elle avait été assez impressionnée par la froideur qui s’était dégagée de Caius, mais il n’avait fait aucune remarque et l’avait tout de suite accueilli, quant à Marcus il s’était révélé bien plus chaleureux. Elle avait compris qu’elle allait sous peu avoir une belle sœur, d’après ce qu’Aro lui avait expliqué. Il fallait avouer que dans son fort intérieur, elle avait compatis pour celle qui partagerait la vie du glaçon que Caïus semblait être.

Le temps avait passé à une allure incroyable, et elle avait pu contempler les changements qui s’effectuaient aussi bien dans le monde que dans sa famille. Ainsi, elle avait vu le monde évoluer et leur famille s’agrandir jusqu’à devenir une famille impériale édictant ses lois. Elle était devenue une des reines de Volterra avec Athenadora. Elle fut heureuse quand celle-ci la rejoint, et elles s’entendirent à merveille. A elles deux, elles essayèrent d’aider Marcus à se remettre de la perte de Didyme.
Elle avait su se faire respecter et apprécier, passant le plus clair de son temps à Volterra. Elle ne suivait la famille que lorsqu’ils voulaient donner un air de théâtralité à leurs déplacements.

D’abord, assez indifférente face aux vampires qui l’entouraient, elle avait été intriguée quand Aro avait ramené Jane et Alec. San qu’il nait à dire quoi que ce soit, elle avait senti qu’ils étaient encore plus particuliers que tous ceux qu’il avait pu transformer. Elle avait été assez choquée par leur jeunesse, stupéfaite par leur histoire. Elle avait ainsi développé une réelle affection pour eux. Puis, bien plus récemment voilà qu’un nouveau née les avait rejoints. Bella... Sulpicia avait tout de suite était charmée par son air perdue, et la douceur qui transparaissait sous ses airs sauvages. Elle s’était ainsi rapprochée de la nouvelle venue et espérait qu’elle retrouve la mémoire même si cela devait la pousser à partir. Bien qu'elle aimait être entourée, elle n'aimait pas la façon qu'avait Aro d'obliger certains vampires à rester avec eux. Elle comptait ainsi se faire la porte parole de Bella si jamais celui-ci montrai des réticences à la laisser partir.
Car ce n'est après tout pas en se faisant détester qu'ils allaient perdurer. Il fallait qu'il apprenne à faire des compromis.